Saviez-vous que certaines chaises cultes ont changé le comportement autour d’une table, la façon de travailler, ou même l’architecture d’un hôtel ? J’vous emmène — avec plaisir et un brin de ch’ti — derrière le rideau des icônes de l’assise : secrets de fabrication, anecdotes croustillantes, indices pour reconnaître un original et conseils pratiques pour chiner ou choisir une réédition. On va causer Thonet, Wassily, Wegner, Eames, Prouvé et cie, en gardant les pieds sur terre et le dossier bien droit.
Des cafés bohèmes à l’industrie : la magie du bentwood et la thonet n°14
La Thonet N°14 est l’exemple parfait d’une idée simple devenue révolution : un dossier courbé, trois éléments, une légèreté folle et une production industrielle. Michael Thonet, au XIXe siècle, a mis au point le procédé du steam-bending (vapeur + moules) qui permettait de plier le bois sans le casser. Résultat : une chaise empilable, robuste et peu coûteuse, adoptée massivement par les cafés et brasseries d’Europe. On estime que la famille des chaises Thonet (dont la fameuse N°14 / 214) s’est vendue à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires — une vraie success story industrielle.
Anecdote : la N°14 est devenue la reine des bistrots parce qu’elle était légère et remplaçable — parfait pour les établissements où on casse ou on perd souvent des chaises. Elle a aussi servi comme fond de scène dans des films, des cafés littéraires et des musées. C’est la chaise « banale » qui a forgé le goût moderne.
Pourquoi elle compte encore aujourd’hui ? Parce que le procédé est efficace et l’esthétique intemporelle : courbes douces, montage vissé simple, matériaux nobles. Pour reconnaître une vraie Thonet :
- cherchez la marque estampée sous l’assise ou sur le dossier (logo Thonet ou numéro de série) ;
- contrôlez la qualité des cintrages et l’absence de joints mal collés ;
- vérifiez les anciennes patines : une chaise d’époque montrera des marques d’usage cohérentes, pas des fissures de colle récente.
Conseils d’entretien : évitez l’humidité prolongée, dépoussiérez régulièrement et protégez les parties les plus fines (piètements et bords) car ce sont elles qui s’usent en premier. Une restauration réussie conserve la patine et renforce les assemblages.
Pour vos projets déco, la Thonet fait merveille en cuisine, dans un café contemporain ou détournée en chaise d’appoint design. C’est l’icône qui prouve que simplicité rime avec élégance et durabilité.
Tubulaire et audace : le wassily de marcel breuer et la révolution du métal
Le Bauhaus a chamboulé le mobilier comme il a bouleversé l’architecture. Marcel Breuer, ex-étudiant puis maître au Bauhaus, a été l’un des premiers à imaginer la chaise comme assemblage industriel léger. Le Wassily (ou modèle B3) est né d’une expérimentation avec des tubes d’acier soudés et des sangles de cuir — une transposition de la technique du vélo au mobilier. Anecdote amusante : la chaise fut surnommée « Wassily » parce que le peintre Wassily Kandinsky, collègue au Bauhaus, aurait admiré l’objet ; la dénomination est venue bien plus tard, pour la commercialisation.
Le tube d’acier a offert deux révolutions : la légereté visuelle (le siège semble flotter) et la répétabilité industrielle. Les soudures, la finition chromée et la tension des sangles font toute la différence entre une pièce fragile et une icône solide. Le-delà du Wassily, le métal tubulaire a inspiré une myriade de créations, de la chaise Cesca (Marcel Breuer aussi, avec paille et acier) aux structures de chaises modernes en acier laqué.
Reconnaître une vraie réédition : la plupart des maisons établies (Thonet pour certaines pièces de Breuer, Knoll pour d’autres) livrent des certificats et affichent la marque d’auteur. Sur les modèles anciens, surveillez :
- corrosion ou microfissures sur le chromage (signe d’âge) ;
- coutures et qualité du cuir (le cuir d’époque patine différemment) ;
- marques d’assemblage conformes aux plans d’origine (pas de bricolage).
Un chiffre utile : la chromature et la qualité des tubes influencent fortement la longévité et le prix. Une bonne réédition coûte souvent plusieurs centaines à quelques milliers d’euros, mais vous payez la qualité et le respect des proportions d’origine.
Conseils pratiques : évitez les copies bon marché dont les tubes se froissent — elles sont inconfortables et dangereuses à l’usage. Si vous aimez le look industriel, privilégiez une réédition par un éditeur réputé. Et puis, n’oubliez pas : ces chaises vieillissent magnifiquement si on en prend soin — un chromage retrouvé, un cuir regarni, et elles chantent encore.
L’âme scandinave : wegner, jacobsen, finn juhl — confort, sculpture et simplicité
Le design scandinave a mis le confort au premier plan sans sacrifier la poésie. Hans J. Wegner, Arne Jacobsen et Finn Juhl sont les grands noms qui ont transformé le bois en véritables sculptures d’assise. Wegner aimait dire qu’il créait « des chaises pour s’asseoir », pas pour s’exposer uniquement ; ses pièces comme la Wishbone (CH24) ou la CH25 sont des équilibres parfaits entre ergonomie et esthétique. La Wishbone, dessinée en 1949 et produite par Carl Hansen & Søn, emprunte au dossier oriental et à l’artisanat : elle se reconnaît à son siège en corde tressée et à son dossier en Y.
Arne Jacobsen, quant à lui, a imaginé des sièges intégrés à l’architecture. Sa Egg (1958, pour l’hôtel SAS de Copenhague) et la Series 7 sont des essais d’ergonomie industrielle : coque moulée, matériaux nouveaux, lignes organiques. Jacobsen pensait la chaise comme complément d’espace, une pièce d’ameublement qui dialogue avec la pièce et le bâtiment.
Finn Juhl a poussé plus loin la sculpture du bois et du volume, avec des formes presque biomorphiques. Ses créations ont contribué à la reconnaissance internationale du design danois dans les années 50.
Indices pour reconnaître une authentique chaise scandinave :
- poinçon ou étiquette du fabricant (Carl Hansen, Fritz Hansen, &Tradition, Nanna Ditzel éditions) ;
- qualité de l’assemblage en bois massif (tenons, mortaises et ponçage uniforme) ;
- homogénéité du fil du bois et finition main sur les bords.
Entretien et longévité : le bois demande attention — humidité stable, huilage ou cire régulière selon la finition, pas d’exposition prolongée au soleil direct. Le rotin ou la corde tressée (comme sur la Wishbone) se régénèrent parfois avec un simple nettoyage et un regarnissage professionnel.
Un fait pratique : de nombreuses pièces scandinaves n’ont jamais cessé d’être produites, souvent par les mêmes ateliers, ce qui facilite l’accès aux rééditions authentiques. Mais attention aux copies qui imitent juste la silhouette : un siège scandinave original est une promesse de confort et de savoir-faire.
Ingénierie et humanité : eames, le corbusier, perriand, prouvé — entre ergonomie, industry et poésie
Ici, on touche l’alliance de l’ingénierie et de la sensibilité : Charles et Ray Eames, Le Corbusier (avec Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret), Jean Prouvé ont fait du fauteuil un laboratoire. Les Eames ont exploré le moulage du contreplaqué (LCW) et le confort luxueux avec le Eames Lounge (1956) — un fauteuil inspiré du club anglais, produit par Herman Miller, devenu symbole du confort moderne. Anecdote : le duo Eames a conçu des prototypes avec des stratifiés marbrés et des tests de mousse jusqu’à obtenir la combinaison parfaite de support et douceur.
Le trio Le Corbusier–Perriand–Jeanneret a inventé des meubles modulaires, fonctionnels et manufacturables. Le LC2 (petit fauteuil en acier tubulaire et coussins) est l’exemple d’un luxe rationnel : lignes nettes, rembourrage visible, structure en acier. Charlotte Perriand, en particulier, a apporté une vision très humaine de l’habitat, privilégiant l’espace réel et le confort.
Jean Prouvé vient du monde de l’industrie et de l’architecture : ses chaises en tôle pliée et structures métalliques sont conçues pour la préfabrication et la robustesse. Son héritage est aujourd’hui très prisé par les collectionneurs ; une pièce signée Prouvé peut atteindre des sommes élevées aux enchères.
Pour distinguer un original :
- cherchez la signature, tampon ou numéro de série (Herman Miller, Cassina, Vitra, éditions Prouvé parfois signées) ;
- regardez la qualité des mousses et coutures (les rééditions autorisées respectent la densité et le grammage d’origine) ;
- demandez provenance et factures si l’objet est ancien.
Quelques chiffres : le marché de la réédition officielle a explosé — Herman Miller, Vitra, Cassina, Knoll assurent une production continue, garantissant matériaux et garanties. Ça a rendu le design iconique accessible sans sacrifier la qualité, mais a aussi multiplié les copies de mauvaise facture.
Conseils finaux : si vous visez une pièce d’auteur, privilégiez la traçabilité et l’éditeur reconnu. Pour une atmosphère mix & match, une réédition fidèle peut suffire — mais gardez l’œil pour les détails (coutures, vis, finitions). Moi, j’adore chiner une vraie pièce d’époque quand la patine raconte une histoire ; mais pour s’asseoir chaque jour, je choisis souvent une réédition de qualité.
Voilà, vous avez maintenant les clés pour reconnaître les icônes de l’assise, comprendre leurs secrets de fabrication et apprécier les anecdotes qui font leur charme. Entre bentwood, tubulaire, bois sculpté et ingénierie industrielle, chaque chaise raconte une époque et une vision. Que vous chinez, achetiez une réédition ou collectionniez, regardez toujours la marque, la fabrication et la patine — et surtout, asseyez-vous : une bonne chaise, ça se juge en confort avant tout. Allez, j’vous laisse, je retourne surveiller une petite vente aux enchères — on ne sait jamais, hein !
Laisser un commentaire